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Les séduisants cartons de tapisserie d’Aubusson

Les séduisants cartons de tapisserie d’Aubusson

PORTRAIT – CHANTAL CHIRAC
ANTIQUAIRE ET RESTAURATRICE

Diplômée d’Icart, école des métiers de l’art et de la culture, Chantal découvre les cartons de tapisserie tout d’abord par ses clients qui lui apportent ces peintures à restaurer. Elle s’intéresse alors à la tapisserie et aux cartons, en achète, en restaure et les collectionne. Des années plus tard, des bâtiments en ruine dans le quartier de la Terrade, à Aubusson, sont métamorphosés en musée-atelier géré par l’association AM Cara dont Chantal est la directrice artistique et conservatrice.

Une collection unique de cartons de tapisserie

Longtemps oubliés, stockés ou détruits, les cartons de tapisserie, des modèles dessinés ou peints indispensables au lissier durant le tissage, sont remis par Chantal Chirac dans un atelier-musée situé dans le quartier historique d’Aubusson.

Chantal Chirac une femme blonde au cheveux court qui tient des cartons de tapisserie
Chantal Chirac, spécialiste des cartons de tapisserie, dans son atelier. On peut venir ici acheter des cartons vendus en l’état ou restaurés par ses soins.
Bobines de plusieurs couleurs différentes pour la fabrication de cartons de tapisserie
Chantal a récupéré ces bobines de fil dans une ancienne manufacture et les a disposées sur un ancien porte-bouteilles. En dessous, la palette d’un peintre cartonnier offerte par un lissier à la retraite.

Lors de la réalisation des cartons de tapisserie, le carton réalisé par un peintre cartonnier se place sous les fils de chaîne du métier à tisser et permet au lissier de voir, à travers les fils, les formes et les couleurs du modèle à réaliser. Le modèle est inversé car lors du tissage en basse lisse (sur un métier horizontal), le lissier tisse sur l’envers de la tapisserie et ne voit l’endroit de l’œuvre tissée qu’à « la tombée du métier », lorsqu’il coupe les fils et retourne son ouvrage.

Musée avec peintures de toutes les couleurs et des cartons de tapisserie
Scènes galantes, verdures, mille-fleurs, scènes de chasse, fables de La Fontaine, les thèmes des cartons sont multiples à découvrir au musée.

Les supports sont divers, drap, huile sur toile, gouache sur papier, calque, dessin sur papier kraft, agrandissement photographique…

« Les cartons existent depuis toujours en Occident, pas de tapisserie sans modèle ! En Orient, le modèle était chanté ! Depuis les années 1970/80, la photographie remplace les cartons peints. On ne fait plus de cartons peints aujourd’hui dans des ateliers spécialisés. »

Référence dans l’histoire des cartons de tapisserie, celui de Raphaël peint en 1515, destiné à la réalisation de la tenture des Actes des Apôtres, commandée par le pape Léon X pour la chapelle Sixtine.

« Ce carton était tellement beau que le pape Léon X l’a considéré comme une œuvre d’art, et a demandé aux lissiers de ne pas l’interpréter mais de le copier fidèlement. »

Anciens pots de peinture de toutes les couleurs pour la fabrication de cartons de tapisserie
D’anciens pots en porcelaine contenant des pigments sont exposés dans le musée du carton.

Au départ sans valeur marchande, les cartons de tapisserie, réutilisables, usés par des tissages successifs étaient au fil du temps oubliés dans les réserves des ateliers, s’ils n’avaient pas été détruits.

« Ces toiles étaient reléguées au second plan puisque c’est la tapisserie que l’on livre, pas l’outil de travail »

Dans les années 1980, suite à la fermeture de nombreuses manufactures, ces cartons et le matériel ayant servi à la réalisation des tapisseries sont vendus dans des salles des ventes et le patrimoine local se disperse.

Restauration d'un carton de tapisserie avec de la peinture
Chantal restaure un carton des années 1950, Le Marchand d’oiseaux de Chopy. Cette gouache confiée par un client était très endommagée. Elle a été d’abord marouflée sur une toile tendue sur châssis puis retouchée à la gouache.

« À la différence d’une peinture classique qui peut subir des accidents, le carton peint subit des outrages volontaires, annotations, numéros de commande, indications de couleur ou encore des découpes, des superpositions, etc. En restauration, il faut faire des choix qui respectent au mieux le vécu de ces oeuvres d’atelier »

Il aura fallu des années à Chantal Chirac pour faire renaître et revaloriser les cartons d’Aubusson. Dans l’atelier-musée, des centaines d’entre eux s’accumulent, enroulés, classés par thématiques ou exposés.Certains attendent patiemment d’être restaurés.

« Je me suis spécialisée dans les gouaches, mais je traite aussi quelques huiles. J’adopte le protocole adapté au matériau. Pour les gouaches, en principe, je double par marouflage le document par une toile de lin, de lin et polyester ou intissée que je tends sur un châssis à la taille du carton. Ensuite, je comble les papiers manquants avec des chutes de vieux morceaux de carton de mes réserves. Puis je fais une réintégration picturale sur ces parties vierges. »

cartons de gouache disposés sur une armoire
Ces cartons sont des gouaches datées du xixe, représentant des modèles de bordures pour encadrer les tapisseries.

Reportage texte & photos Corinne Schanté-Angelé

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