Reportages

Les séduisants cartons de tapisserie d’Aubusson

PORTRAIT – CHANTAL CHIRAC
ANTIQUAIRE ET RESTAURATRICE

Diplômée d’Icart, école des métiers de l’art et de la culture, Chantal découvre les cartons de tapisserie tout d’abord par ses clients qui lui apportent ces peintures à restaurer. Elle s’intéresse alors à la tapisserie et aux cartons, en achète, en restaure et les collectionne. Des années plus tard, des bâtiments en ruine dans le quartier de la Terrade, à Aubusson, sont métamorphosés en musée-atelier géré par l’association AM Cara dont Chantal est la directrice artistique et conservatrice.

Une collection unique de cartons de tapisserie

Longtemps oubliés, stockés ou détruits, les cartons de tapisserie, des modèles dessinés ou peints indispensables au lissier durant le tissage, sont remis par Chantal Chirac dans un atelier-musée situé dans le quartier historique d’Aubusson.

Lors de la réalisation des cartons de tapisserie, le carton réalisé par un peintre cartonnier se place sous les fils de chaîne du métier à tisser et permet au lissier de voir, à travers les fils, les formes et les couleurs du modèle à réaliser. Le modèle est inversé car lors du tissage en basse lisse (sur un métier horizontal), le lissier tisse sur l’envers de la tapisserie et ne voit l’endroit de l’œuvre tissée qu’à « la tombée du métier », lorsqu’il coupe les fils et retourne son ouvrage.

Les supports sont divers, drap, huile sur toile, gouache sur papier, calque, dessin sur papier kraft, agrandissement photographique…

« Les cartons existent depuis toujours en Occident, pas de tapisserie sans modèle ! En Orient, le modèle était chanté ! Depuis les années 1970/80, la photographie remplace les cartons peints. On ne fait plus de cartons peints aujourd’hui dans des ateliers spécialisés. »

Référence dans l’histoire des cartons de tapisserie, celui de Raphaël peint en 1515, destiné à la réalisation de la tenture des Actes des Apôtres, commandée par le pape Léon X pour la chapelle Sixtine.

« Ce carton était tellement beau que le pape Léon X l’a considéré comme une œuvre d’art, et a demandé aux lissiers de ne pas l’interpréter mais de le copier fidèlement. »

Au départ sans valeur marchande, les cartons de tapisserie, réutilisables, usés par des tissages successifs étaient au fil du temps oubliés dans les réserves des ateliers, s’ils n’avaient pas été détruits.

« Ces toiles étaient reléguées au second plan puisque c’est la tapisserie que l’on livre, pas l’outil de travail »

Dans les années 1980, suite à la fermeture de nombreuses manufactures, ces cartons et le matériel ayant servi à la réalisation des tapisseries sont vendus dans des salles des ventes et le patrimoine local se disperse.

« À la différence d’une peinture classique qui peut subir des accidents, le carton peint subit des outrages volontaires, annotations, numéros de commande, indications de couleur ou encore des découpes, des superpositions, etc. En restauration, il faut faire des choix qui respectent au mieux le vécu de ces oeuvres d’atelier »

Il aura fallu des années à Chantal Chirac pour faire renaître et revaloriser les cartons d’Aubusson. Dans l’atelier-musée, des centaines d’entre eux s’accumulent, enroulés, classés par thématiques ou exposés.Certains attendent patiemment d’être restaurés.

« Je me suis spécialisée dans les gouaches, mais je traite aussi quelques huiles. J’adopte le protocole adapté au matériau. Pour les gouaches, en principe, je double par marouflage le document par une toile de lin, de lin et polyester ou intissée que je tends sur un châssis à la taille du carton. Ensuite, je comble les papiers manquants avec des chutes de vieux morceaux de carton de mes réserves. Puis je fais une réintégration picturale sur ces parties vierges. »

Reportage texte & photos Corinne Schanté-Angelé

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